Quelques questions avec… Amandine Paillard, Théâtre du Sycomore

Amandine, peux-tu nous parler de ton parcours théâtral ?

«  J’ai commencé vers 21 ans, avec l’Institut des Arts de Diffusion à Louvain-La-Neuve en Belgique pendant 2 ans, puis d’autres formations autour de la voix, de l’impro, du clown et du conte. À la suite de ces études, j’ai fait du doublage et j’ai été comédienne dans quelques pièces à Bruxelles. C’est surtout un grand voyage au Népal qui a tout changé, où je suis partie rejoindre le Gurukul Théâtre. Une troupe de théâtre qui allait faire une forme de Théâtre Action–Forum ou Théâtre des Opprimés autour de sujets de la vie, de sujets sociaux et qui se déplacait dans les villages éloignés de la capitale. Ces actions étaient suivies d’un débat sur le sujet, bien sûr en Népalais, donc je ne comprenais pas tout au début, mais j’ai trouvé ça assez magique. Dans ce cadre, pour la première fois, lors de ce voyage, j’animais un atelier avec des enfants d’une ONG, autour de l’œuvre « Le Petit Prince » traduite en Népalais. À partir de lectures, nous avons crée une petite pièce avec un groupe de jeunes de 10 à 12 ans.
En rentrant de cette belle expérience, mon idée était de repartir au Népal pour y construire une école artistique, ce qui a été fait par le bias de l’association l’Art en Poche.
J’avais aussi très envie de l’enseigner, de le donner et plus forcément de le jouer pour que ce théâtre puisse être riche pour d’autres.
Après ça, j’ai gardé un personnage qui s’apelle Tralala Pouet Pouet, un clown avec lequel j’ai pas mal tourné. Et je me suis tournée vers les projets théâtraux, dans différentes structures sociales.

Qu’est-ce qui t’a amené au Théâtre Action ?

Deux éléments, ce voyage dont j’ai parlé juste avant, le fait d’avoir été à l’autre bout du monde, d’avoir vu un théâtre utile. Et ce qui m’a motivé dans mon parcours, c’est à 14-15 ans, alors que je ne me sentais pas à l’aise à l’école, une prof de français géniale a décidé de monter une pièce de théâtre et pour une fois dans ma vie, au sein de ma classe, de mon école, j’ai trouvé ma place. J’ai été valorisée par le biais du théâtre, et pour une fois j’avais une plateforme d’expressions qu’on ne m’avait jamais proposé auparavant à l’école. Enfin si, un peu avec les poésies mais rien à voir avec le fait de jouer avec d’autres, de se donner la réplique… C’est pour ça que je fais ce métier là depuis 12 ans, où j’interviens dans les écoles par le biais de l’éducation Nationale, de la maternelle au CM2, au collège et lycée.. chargée de mes deux expériences là.
Concrètement, il y a plusieurs facettes dans mon métier, les interventions dans les écoles avec l’éducation Nationale, les interventions dans les collèges et les lycées professionnels (Lycée Hôtelier de Tain l’Hermitage), ou les sommelleries où je donne des cours d’expression orales). Au Lycée Marius Bouvier, je suis intervenante théâtre avec les internes.. Donc plusieurs projets au sein de l’éducation. Et à côté de ça, cette année, j’anime le théâtre pour 7 groupes extrascolaires pour plusieurs structures : centres sociaux, MJC, associations…

Comment vois-tu le rôle du théâtre pour les enfants, à notre époque ?

Le Théâtre dans les écoles, c’est quasi d’une utilité publique, encore plus à l’heure actuelle !
Pour plusieurs raisons, trois principalement :
Pour ces enfants qui sont différents dans leur scolarité : dyslexie, dyscalculie, dyspraxie ; qui ont déjà des troubles scolaires dans la restitution d’un apprentissage, le théâtre laisse une fenêtre en plus pour l’enfant où il va pouvoir s’exprimer, et proposer autre chose. En travaillant avec d’autres profs, ils ont la possibilité de voir leurs élèves de manière différente, c’est vraiment riche pour des élèves qui n’ont pas toujours trouvé leur place dans les apprentissages.

Il y a aussi une grande raison encore plus actuelle dans le monde dans lequel on vit, les enfants sont bloqués derrières des écrans : télévision, tablettes, téléphones.. ces objets électroniques où « on leur donne les choses ». Une consommation d’images, qu’ils font la plupart du temps seuls, même quand ce sont des jeux en réseaux. Seuls face à des images, et surexposés… Ça les amène à être de plus en plus passifs, pour moi l’expression orale et corporelle est d’autant plus justifiée.

Quand on va vers le monde de l’adulte, c’est un monde de la représentation, un monde où va devoir se défendre avec son propre corps, sa propre voix lors d’un entretien d’embauche, face à d’autres adultes, des clients.. On va se retrouver face à l’autre tout au long de notre vie. Apprendre à l’école à prendre possession de notre corps et de notre voix, aller au delà de la timidité, se sentir à l’aise dans le discours, ce n’est qu’un plus pour le futur.

Les trois atouts de faire du théâtre :
La reconnaissance de ces enfants différents, qui se retrouvent dans l’expression orale et corporelle
Le fait que cette génération est de plus en plus passive, plongés seuls face à ses écrans.
C’est une préparation à la vie d’adulte, où on sera confrontés à cette expression corporelle et orale.

Cette expression théâtrale va permettre de débloquer la parole. Par exemple, j’ai une classe où les enfants vont travailler sur les racines, et donc la différence. Justement au sein de leur classe, il y a un cas où ils mettent un élève en exclusion, ils marquent cette différence là. Et donc avec la création d’une pièce autour de ce sujet, on en est arrivé de manière naturelle à parler de vrais sujets. Amener le théâtre au sein de l’école permet d’aborder certains sujets plus facilement. De temps en temps, je peux même le diriger avec certains instits, en connaissant la classe, et amener cette parole par le biais du théâtre.

Enfin, voici un autre volet de mes actions dont je n’ai pas encore parlé.

Nous avons crée depuis 1 an avec le Théâtre du Sycomore et en partenariat avec le Centre Socio-Culturel de Tournon-Sur-Rhône, une petite troupe avec deux autres comédiens et on se déplace dans les collèges et les lycées avec une petite forme de Théâtre-Action.

On l’appelle comme ça car c’est une petite forme de 30-35 minutes où l’on parle du harcèlement scolaire. On a travaillé avec les écrans par ce qu’on à voulu ajouter la notion du web, qui prend de plus en plus de place dans la vie de ces jeunes. On a voulu traiter le harcèlement scolaire, et les répercutions que cela peut avoir sur ces jeunes mais aussi l’identité réelle, virtuelle, comment se servir de ces réseaux sociaux, comment on peut se retrouver à faire du mal sans même le vouloir.

Nous avons ces personnages un peu clichés, dans une histoire qui va mal se terminer. On présente notre histoire en trois parties, un début, un milieu et une fin, ce qui est important. Dans le Théâtre-Forum normalement, il y a l’interaction avec les gens du public. Dans cette pièce là, on a souhaité ne pas laisser d’interactions avec le public pendant la présentation. Par contre, après la pièce, on invite ces jeunes autour d’un débat de « ce qu’ils ont pensé de cette pièce » « Comment on a pu en arriver là ? ». Au vu de la fin dramatique de la pièce, la discussion se lance vite, les jeunes réagissent et les langues se délient.
À la suite de ce petit échange, on leur propose, en petits groupes de réécrire la fin, de ré-imaginer la fin. Et on leur propose d’aller eux-mêmes rejouer cette nouvelle fin. Il y en a pour qui ca va être facile et très agréable de passer par le biais du théâtre. Pour d’autres, c’est plus difficile, pour d’autres encore, c’est très complexe, ils vont simplement nous lire leur fin, ce qui est déjà bien car ils l’auront posé sur le papier.

L’idée c’est de faire agir et d’avoir une réflexion sur ce thème là, pour chacun. On essaye de dynamiser toute la classe autour de ce sujet là et pas seulement ceux qui sont le plus à l’aise pour participer.

Un petit mot pour les animateurs et animatrices d’atelier théâtre ?

Continuer ! Il y a un réel besoin de ça. À l’heure actuelle, il y a beaucoup d’enfants qui ont un imaginaire qui disparaît petit à petit car comme ils reçoivent tout sur un plateau, je m’en rends compte, c’est de plus en plus compliqué d’inventer pour un enfant. Pendant les ateliers, laisser l’espace à chaque enfant, essayer de repérer avec finesse les enfants un peu plus en difficulté, les valoriser, y aller un peu plus doucement avec eux. Cela a un vrai impact !

Et enfin.. un mot personnel pour finir ?

Avec toutes ces expériences, je trouve que ca devrait presque être obligatoire dans les écoles d’avoir du théâtre, une zone où on laisse l’imaginaire des enfants parler, une zone où ils pourront s’exprimer oralement, ressentir des choses avec leur corps, représenter des choses, mettre des sujets sur la table… Quand on laisse un enfant s’exprimer, on se rend compte qu’il y a plein de choses, que c’est riche un enfant, qu’il faut cultiver cette richesse ! »

Amandine Paillard, intervenante Théâtre pour le Théâtre du Sycomore- Ardèche  (entre autres !)En savoir plus sur ce projet de Théâtre-Action sur le Harcèlement :
En savoir plus sur le Théâtre Action* Augusto Boal

Un grand merci à Amandine Paillard pour ces retours d’expérience !
Interview réalisée par Claire Martin

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