Denis Marulaz - Journée du comédien - Rhône 2016 - Photo Dieppedalle
Denis Marulaz – Journée du comédien – Rhône 2016 – Photo Dieppedalle

INTERVIEW 2016.

Denis Marulaz. Tu es auteur de théâtre, poète. Auto-éditeur. Sensible à ton environnement humain. Et tu portes sur le monde actuel un regard critique.

Je suis parti du théâtre-forum dans les lycées.

Quel est l’élément déclencheur qui t’a poussé à écrire pour le théâtre ?

R.    En fait, depuis l’adolescence, j’écrivais pas mal de poésie et de courts récits. En 82 à Paris, je me suis inscrit dans un atelier théâtre et j’ai continué à pratiquer quand je suis arrivé dans le Var. Fin des années 90, deux rencontres m’ont décidé à franchir le pas. Dans mon milieu professionnel d’abord, j’étais alors moniteur-éducateur dans une structure de soins pour jeunes toxicomanes,  nous faisions des interventions de théâtre-forum dans les lycées pour informer et sensibiliser sur les « pratiques à risques et addictions » et j’animais des «ateliers de paroles ». Les responsables de la structure, voulant passer de la dimension « suite de sketches » à la réalisation d’une vraie pièce de théâtre,  m’ont demandé si je pouvais les y aider. Et ce fut « La ballade de Jérémy ». Presque au même moment,  rencontre avec le Théâtre du Lendemain, au Muy, que fréquentaient de nombreux jeunes pour lesquels G.M. Carlier m’a invité à écrire des textes. A un peu plus de quarante ans, je me suis lancé dans l’aventure avec grand plaisir. Voilà qu’enfin j’allais pouvoir bousculer la «normalité » du monde par « l’acte théâtral »!

Mon théâtre est un regard critique du monde

Dans ton blog tu dis que tu écris des textes qui parlent de la vie. De la vraie. Que tu ne peux faire autrement que de gueuler. Pourquoi ?

Denis Marulaz-L'apocalypse seulon Zeugmette
L’Apocalypse. De Denis Marulaz. Illustrations de l’auteur

R.    Quiconque a lu ou écouté mes « contes et récits poétiques » sait à quel point je suis tourmenté, blessé, par la sauvagerie avec laquelle l’humanité détruit sa planète-mère et se martyrise elle-même. Rien n’échappe à la bêtise et aux appétits insatiables. Face au spectacle insupportable, de quoi parlerais-je d’autre ?  Quel est mon petit pouvoir de petit bonhomme, face à cela, pour aider à changer cela ? Dire, DIRE le monde dans sa triste réalité, oser montrer, avec mes mots dentus, son vrai visage d’ogre. Faire comprendre que toute cette souffrance, tout cet égoïsme, cette occultation maladive des vraies responsabilités, n’ont rien de NORMAL ! Le monde n’est pas à subir en courbant l’échine, il est à construire, par des gens debout, aimants, respectueux de la VIE et du vivant. Alors, oui, partant de cela, mon théâtre est par nature un « regard critique au monde », j’écris des pièces où le principe est toujours le même : on est témoin d’une situation pénible, injuste, révoltante, quelqu’un réagit, entraine à réagir. Ca marchera ou ça ne marchera pas, on aura bougé les choses ou on se sera cassé le nez et l’espoir sur une falaise de noir granit, mais on aura fait ! On se sera dressé et notre cri vivra sa vie sur le dos du vent ! Et l’on aura entendu la voix de ceux qui n’ont jamais la parole. Je n’ai jamais écrit pour distraire les gens. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait de l’humour, du rire, de la tendresse, des beaux moments ensoleillés, de la poésie, dans mes pièces ! J’écris en ayant à cœur que la personne qui a lu ou vu une de mes pièces a refermé le livre ou est sorti de la salle de spectacle avec le sentiment d’avoir partagé ce qu’il y a de plus noble dans l’être humain.

J’écris à partir du vécu des personnes à qui l’on ne donne jamais la parole

Est-ce que tu pars d’un fait divers ou d’un moment vécu pour te lancer dans l’écriture ?

Denis Marulaz-Dissolution d'unectoplasme. 2016R.    Le plus souvent, j’ai répondu à la demande d’une troupe. Pour les sujets, à part deux qui m’ont été soumis, je me donne quartier libre. Quand c’est possible, je rencontre la troupe sur un spectacle ou sur une séance de travail. Après, connaissant un peu les comédien(ne)s qui prendront en charge mes personnages, je plonge dans mes galaxies intérieures. C’est fou comme les coups de cœur et les coups de gueule du quotidien peuvent, à la longue et inconsciemment, initier en moi des alchimies où prennent corps des personnages « virtuels » aussi réels que chacun de nous et qui se meuvent ou débattent dans  des bulles de destins qui pourraient être nôtres. A l’heure de l’appel, certains jaillissent en fulgurances, porteurs du « cri ». Je n’ai plus qu’à moissonner. Et je retrouve dans leurs paroles et leurs émotions les moments de confidences de quand j’étais éduc, des rires que j’avais oubliés, les drames que j’ai vu vivre par de pauvres bougres du temps de mes pérégrinations. Un exemple : d’un souvenir heureux que nous avait confié une jeune femme toxicomane pour qui le plus beau moment passé en famille était une nuit d’été à regarder ensemble passer les étoiles filantes, est née la toile de fond de « COL DE LA BICHE », cette pièce qui met en scène des jeunes filles en difficulté hébergées par une structure d’accueil et qui vont, dans la montagne, regarder passer une comète en compagnie de leur éducateur.  Ce sont les mots, les vécus de toutes ces personnes à qui on ne donne jamais la parole, de la société inaudible, de ceux que les porteurs de micros appellent les « anonymes » que je veux mettre en scène. A l’honneur. De ceux qui se lèvent, aussi, ou qui, impuissants, brisés, meurent en silence, dans l’indifférence.

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Châtillon sur Chalaronne 2036 ou « Rien n’est jamais acquis à l’homme »

Quelle est la dernière pièce de théâtre que tu as écrite ? Quel en est le synopsis ?

Denis Marulaz - Livre relié. 2016
Châtillon sur Chalaronne 2036. L’illustration de couverture est une œuvre à plusieurs mains réalisée par des participants à un stage « Modèle vivant » dirigé par Guillaume Delorme et offerte à l’auteur qui a servi de modèle ce jour-là qui était aussi le jour de son soixantième anniversaire. Merci à eux.

R.   C’est tout récent. Et cela a été un grand plaisir. Les organisateurs du Festival de Théâtre Contemporain Amateur de Châtillon sur Chalaronne (FNCTA),  dont ça va être la trentième édition tout prochainement (Du 04 au 08 mai 2016), ont demandé à trente auteurs d’écrire un texte ayant pour thème le Festival ou l’anniversaire ou ou ou… Pour ma part, deux axes de réflexion ont surgi :
– L’évènement Festival de Châtillon s’inscrit dans la DUREE, pourquoi pas dans une heureuse « Eternité » pour ses  amis fidèles.
– Le Théâtre est un art « dangereux » parce qu’il repose sur la Liberté de regarder et de DIRE la vérité du monde. Et, à notre époque, troublée, cela signifie FRAGILITE.
J’ai donc imaginé des circonstances qui accentuent radicalement la fragilité de l’évènement culturel et mettent un terme à sa durée. Cela se passe en l’An 9 de la « Nouvelle Société Humaine Eclairée », soit en 2036 de notre ère (déclarée « Préhistorique » par les Instances qui dominent le monde désormais), à quelques semaines de ce qui devrait être la 50ème édition du Festival. Le Maire de Châtillon et la principale organisatrice sont convoqués par la « Préfète Déléguée aux Crimes de Résurgence Préhistorique » pour une sérieuse remontée de bretelles. Ambiance…
Titre : « Châtillon sur Chalaronne 2036 ou « Rien n’est jamais acquis à l’homme… » (Je viens de finir d’imprimer le livre) Texte dit « à domicile » à deux occasions chez deux familles accueillantes en mars et avril par Alain Cellard, Chantal Primet et Elisabeth Mathy.

Je suis ému dans les « tête à tête » avec mes personnages

Eprouves-tu de l’émotion lorsque tu écris une pièce de théâtre ?

R.   Je suis à l’écoute fidèle de mes personnages. En osmose complète avec chacun d’eux. Je ne retiens jamais ma plume et leurs mots me touchent ou me frappent de toute leur force. Je suis très souvent ému au cours de mes « tête à tête » avec eux. Et encore plus quand je relis mes pièces ou mes récits poétiques. Souvent, j’ai la gorge nouée. Pour mon dernier spectacle au Carré 30 (Lyon), j’ai replongé dans ces mondes et les Delphine, les Marie-Françoise, les Armandine, les « Petite Marie », les M. Terreneuve, les Kavichy, ils m’ont drôlement secoué. Et pas que moi ! Je pense à Marine, la formidable comédienne qui faisait lecture avec moi, et au public, très touché.

Partie importante de mon écriture : le théâtre pour le jeune public

Et le théâtre pour enfants et jeunes ados ?

Denis Marulaz-La carriole de l'écriveur-Lyon-Mars 2016R.   C’est une grosse part de mon écriture théâtrale. Même principe : il se passe quelque chose d’injuste, de cruel, de pas beau, on en a gros sur la patate : on le dit, il faut que ça bouge. Mais bien sûr, avec des histoires de leur âge, de leur univers. Et, pour eux, ça finit toujours bien.
– Deux garçons tombent dans leur jeu vidéo et sont confrontés à un lutin pervers et une sorcière méchante de chez méchante : la sœur d’un des garçons prend les choses en main et c’est la libération, y compris de la belle Princesse !
– Un drôle de petit singe est maltraité par son dompteur ? Deux jeunes filles vont mettre bon ordre à ça, on a droit à un voyage interstellaire et aux larmes (sincères) du vieux bonhomme !
– L’Atelier pour ados de M. Constantin présente son spectacle de fin d’année, « les Fables de La Fontaine ». Soudain, Bénédicte pète les plombs, elle en a « Ras les Couettes » de jouer des trucs nuls et entraine ses copines à se lancer dans des impros, là, devant le public décontenancé et le pauvre M. Constantin. Mais elles abordent des thèmes si touchants que c’est le vieux metteur en scène qui s’excuse et les félicite !
– Pour les tout petits. M. Dumoulin, vieux bonhomme tout gris, rentre chez lui. Sur le paillasson de sa maison toute grise, dort un chat bariolé de toutes les couleurs. M. Dumoulin le chasse à coups de parapluie. La nuit venue, les matous du quartier entrent dans la maison pour donner une correction au vieil homme méchant. Heureusement, Momiche, la minette de la bande, calme son monde et fait parler l’homme dans ses rêves. Et ce qu’il raconte de sa vie est si triste qu’on oublie les coups de parapluie et qu’on va faire de la musique et danser pour mettre un peu de soleil dans cette maison et le cœur de M. Dumoulin !
Etc…

Je fabrique la presque totalité de mes bouquins

Tu te présentes comme un Facteur de livres. Pourquoi ?

Denis Marulaz- Reliure de Châtillon sur Chalaronne-2016R.     Facteur dans le sens de faire, parce que je fabrique moi-même la presque totalité de mes bouquins. Pourquoi ? Il faut demander cela aux dizaines d’éditeurs à qui j’ai envoyé mes textes à l’époque (fin années 1990 – début 2000) et qui n’ont jamais donné une suite positive. Comme je n’avais pas les moyens de payer un imprimeur, j’ai contourné l’obstacle à ma façon. Et j’y ai pris goût, je me suis perfectionné et j’anime même, à la demande, des ateliers « Je réalise mon livre » pour tous publics. Non mais !!!
Au sujet de mon activité fabrication de livres, voir : http://faiseurs-de-livres.blogspot.fr
A propos des conséquences humaines pour un auteur ou un artiste de voir systématiquement refuser son travail par les « professionnels de la profession », lire ma pièce « DISSOLUTION D’UN ECTOPLASME ».

A la fois facteur et distributeur de mes livres

Comment édites-tu tes livres ?

Denis Marulaz - Festival de Châtillon 2015 - Photo Zeizig-mascarille.com
Denis Marulaz – Festival de Châtillon 2015 – Photo Zeizig-mascarille.com

R.   Comme je l’ai raconté précédemment, je suis à la fois le « Facteur » de mes livres (une quinzaine) et le distributeur. Entre autre grâce à ma « Carriole de l’Ecriveur » sur laquelle j’ai présenté mes ouvrages sur des Marchés de livres, au Marché de la Création, à Lyon, dans divers Salons de livres ouverts, eux, aux inconnus et interdits des « circuits officiels ». A Lyon, j’ai monté avec deux amis une asso qui a prévu un pôle édition et c’est ainsi que j’ai eu enfin deux bouquins avec un vrai numéro ISBN d’éditeur. Puis, en 2014, ma pièce « Le Mariage d’Arlequin » a attiré l’attention du Comité de Lecture de la FNCTA qui a fait éditer ce texte à la Librairie Théâtrale. Pour faire connaitre tout ce travail, poésie, théâtre, c’est Facebook, mon blog « L’HOMBRE DE NADA », un spectacle de temps en temps au Carré 30 à Lyon. Et tous les ans, je suis présent au Festival de Châtillon sur Chalaronne où les adorables amies de la Librairie du Festival me ménagent une petite place. Maintenant que j’ai un peu plus de temps et que j’ai fait définitivement une croix sur la possibilité d’être reconnu par une maison d’édition de théâtre dite « grande et sérieuse », je vais prospecter, pourquoi pas, sur internet et les diverses propositions éditoriales qui  y foisonnent… A suivre…
En attendant, toutes mes pièces, sauf « Le Mariage d’Arlequin » « Châtillon 2036… » et quelques sketches, sont téléchargeables sur le site LE PROSCENIUM, bien connu des troupes amateur.
A ce moment de l’interview, je voudrais dire aux troupes que c’est maintenant à elles à prendre la main. A se saisir de ces univers, de ces personnages. J’ai recueilli des voix, j’ai transcrit les mots de lumière, les appels de cœurs blessés, dans les formes qu’exige l’art du théâtre et le bonheur de jouer pour que grandisse l’humanité. Je les remercie par avance pour l’œuvre commune.

Propos recueillis par Guy Dieppedalle

Bibliographie Théâtrale

Théâtre adultes

° Trois p’tits coquelicots (éd. Plasma) *
° Le Mariage d’Arlequin (éd. Librairie Théâtrale)
° Dissolution d’un ectoplasme (édition personnelle) *
° L’Apocalypse selon Zeugmette (édition personnelle) *
° Châtillon 2036 ou « Rien n’est jamais acquis à l’homme… » (édition personnelle)
° La ballade de Jeremy *
° Prosper  *

Théâtre ados-adultes

° Y parle ! (édition personnelle)*
° Ras les couettes ! (édition personnelle)*
° Attends-nous ! (édition personnelle)*
° Lignes de fuite (édition personnelle)*
° Col de la biche (édition personnelle)*
° Déconne pas, Marie (édition personnelle)*

Théâtre 7-10 ans

° Coup de foudre (édition personnelle)*
° Nuit blanche pour la bande à Momiche (édition personnelle)*

Théâtre ados (courts textes-sketches)

° Un bébé un bébé (comprenant cinq textes)*:
– Jessy   (quatre filles)
– SLX 327  (un garçon, deux filles)
– La Sauterelle  (quatre garçons)
– Muse  (quatre filles)
– Stéphanie  (deux filles)

Théâtre adultes (courts textes et monologues)

° Travail en famille *
° Pourquoi elle ? (monologue)*
° Champagne !!! (Monologue, Edition PLASMA-Fibres du monde) *
* Les titres marqués d’un astérisque sont téléchargeables sur le site LE PROSCENIUM.
D’autres courts textes et monologues ne sont actuellement pas consultables. Ceci devrait s’arranger dans les mois qui viennent…
Lien de mon blog d’auteur « HOMBRE DE NADA » où l’on trouve une grande partie de mon travail, à lire ou à écouter :

http://hombredenada.blogspot.fr

Festival national de Châtillon. + d’infos.
Denis Marulaz sera présent au festival national de Châtillon sur Chalaronne (Ain), du 4 au 8 mai 2016.
Ses ouvrages seront disponibles à la librairie du festival.
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