Natacha Astuto – Photo Cédric Laubscher

Dans une autre vie
De Natacha Astuto

Interview

GD.  Natacha, tu es comédienne, Présidente de la Fédération Suisse de théâtre amateur. Mais tu es également auteure. Et à ce titre, j’aimerais que tu nous présentes ta dernière oeuvre théâtrale : « Dans une autre vie », parue aux éditions Les Mandarines. Sans dévoiler, bien sûr, ce récit poignant.
NA.  Ce n’est pas la dernière pièce que j’ai écrite, mais c’est en effet mon dernier livre, publié aux Editions Les Mandarines. C’est une pièce que j’ai créée en 2009 à la demande de la troupe les Disparates qui était sélectionnée pour les Estivades CIFTA de Marche-en-Famenne (Belgique). A l’époque je n’écrivais que sur commande, d’abord parce que le temps me manquait (ce qui n’a pas vraiment changé !) mais aussi et surtout parce que j’avais du mal à écrire si personne n’attendait mon texte, je me disais que personne n’en voudrait, et écrire sans savoir qu’on voudrait de ma pièce me mettait dans une situation de procrastination sévère. Aujourd’hui j’écris toujours sur commande quand on me commande – toujours pour des troupes qui me font confiance et me laissent carte blanche pour l’histoire, parfois on m’impose la distribution mais j’aime assez ça – mais j’écris aussi des pièces que j’ai envie d’écrire même si personne ne me l’a demandé. Aujourd’hui je crois un petit plus au fait qu’une troupe finira par monter le texte un jour, c’est le cas de Une Nuit et Arizona par exemple.
Dans une Autre vie, c’est une histoire de boîte, de boîte à souvenirs, c’est une histoire de secrets, de secrets de famille, et c’est une histoire d’amour, d’amour tout court. C’est le point commun de toutes mes pièces, ce sont des histoires d’amour, toutes, même si parfois il faut trouver l’angle pour être capable de lire l’histoire d’amour, comme dans Le Dernier train ou Issue de secours, ou encore Angelina que je suis en train de terminer.

Dans une autre vie – par les Disparates – Olivia et Florent – Photo Cédric Laubscher

Dans une autre vie – par les Disparates – Olivia – Photo Cédric Laubscher

GD.  Une pièce de théâtre pour deux femmes et deux hommes. Difficile de la classer dans une catégorie. Elle touche à l’enfance, aux relations parents-enfants. Aux secrets de famille. A la question du Pardon. Sous une forme dramatique qui effleure le rêve et prend parfois des couleurs de polar. Et questionne sur l’au-delà.
D’où t’es venue cette idée de drame familial un peu particulier ?
NA.  J’ai une boîte à la maison, une très grande boîte, dans laquelle j’ai gardé tous les souvenirs précieux pour moi, des lettres, des photos. Ce sont mes relations avec les gens au cours de ma vie que j’ai mises là; les lettres de mon premier amour, les lettres de tous mes autres amours, de tout petits mots comme de longues lettres, des affichettes de théâtre, des billets de concert, des tickets de cinéma, des photos, des symboles d’anecdotes – comme ces deux pièces de 20 centimes qu’un voisin plus vieux que moi que j’aimais beaucoup m’a données le jour de mes 14 ans, avec un regard dont je me souviens encore, tout en me disant: appelle-moi quand tu auras 18 ans. Il y a aussi des souvenirs plus douloureux dans cette boite, et il y a tous ceux qui manquent, que j’ai perdus, et bien sûr tous ceux que j’ai aujourd’hui dans mon téléphone, qui déborde car je suis incapable d’effacer le moindre souvenir. Ce sont des jalons de ma vie, ce sont des morceaux tangibles de ce qui fait ce que je suis, de ce qu’aura été ma vie. Je me suis souvent demandé si j’aurais voulu trouver la boite de ma grand-mère ou si je veux que mes filles aient cette boite plus tard. J’ai finalement la certitude que cette boite fait partie de moi, m’appartient, et qu’elle devra partir en fumée le jour-même où la vie aura décidé d’en finir avec moi. Mais Marie l’a laissée elle, et sa fille Olivia la retrouve près de 30 ans plus tard, lorsque son père meurt à son tour. Et c’est en ouvrant cette boîte qu’Olivia comprend petit à petit des choses sur sa mère, ce qui lui fera dire “Je n’avais jamais imaginé que ma mère était une femme” et qui la fera creuser, chercher plus loin, et finalement comprendre. L’histoire de Dans une Autre vie est partie de là et de la mort aussi, des êtres proches, qu’on peine à laisser partir, ou qui ne partent pas vraiment parce qu’ils n’ont pas terminé quelque chose. J’ai eu envie de traiter ce sujet parce que le thème imposé du festival était “le tunnel” et qu’il m’est tout de suite apparu comme ce moment qui lie la vie et la mort, mais également parce que la mort et le fait de laisser partir les gens sont des sujets qui me touchent.
En trame de fond il y a l’histoire vraie de Marie – une amie précieuse à moi, qui ne s’appelle pas Marie mais que j’appelle comme le personnage, y compris dans la dédicace du livre qui lui revient exclusivement, parce qu’elle veut qu’on lui fiche la paix, ce qui a été un peu délicat lors de la création de la pièce en 2009 – qui m’a beaucoup inspirée, son courage, son abnégation, il y a des gens qui ont un sens de la justice qui dépasse la valeur qu’ils octroient à leur propre vie. Et je voulais lui rendre hommage. Je le fais dans toutes mes pièces, il y a toujours au moins un personnage qui est inspiré d’une personne que j’aime particulièrement à qui je rends hommage. Parfois elles le savent, parfois non.
Dans une autre vie – par les Disparates – Olivia- Photo Cédric Laubscher

GD.  Dans ce dialogue entre une fille et son père, après la mort de ce dernier, as-tu imaginé que Olivia rêve ou qu’elle fait face à la réalité ?
NA.  Je ne sais plus, pour te dire la vérité. Je crois que lors de l’écriture j’avais imaginé qu’elle rêvait, qu’il revenait dans ses rêves parce qu’il avait un secret à lui avouer, que ça l’empêchait de partir, et puis plus j’avance plus je me dis que je voulais que ce soit la réalité, qu’il revienne vraiment, d’une certaine façon. Je ne sais pas, et je n’ai pas envie de savoir, cela fait partie des choses que je veux laisser aux metteurs en scène, aux comédiens, au public.
GD.  Dans une précédente pièce, « Le dernier train » tu abordais également la question de la place de l’enfance.
Pourquoi ce sujet en particulier ?
NA.  Je ne crois pas que ce soit l’enfance que je veuille aborder, je crois que c’est le passé. Je ne suis pas passéiste, je suis portée vers l’avant et je laisse les choses derrière assez facilement, je ferme les tiroirs. Mais je suis fascinée par l’influence de leur passé sur les gens, de leurs secrets. Tout le monde à quelque chose à cacher, consciemment ou inconsciemment, pour un tas de raisons très diverses. Et voir fonctionner les gens, me fait souvent me demander comment ils se sont construits, comment ils sont devenus qui ils sont, quel est leur passé, et surtout quels sont leurs secrets. Je ne demande jamais, pas même des choses anodines, par pudeur, j’attends qu’on me raconte, mais qu’est-ce que j’aimerais savoir! (rires) Pas pour connaître des choses soi-disant croustillantes, mais pour essayer de comprendre comment ils se sont construits, comment on se construit, le mécanisme des humains…
 
Propos recueillis par Guy Dieppedalle
Architecte de mots éphémères
26 janvier 2018

Synopsis « Dans une autre vie »

Olivia, la trentaine, vient de perdre son père. En rangeant l’appartement de celui qui l’a élevée seule, elle trouve la boite dans laquelle sa mère avait collecté des lettres, des photos, des objets, quantité de ces petites choses qui résument une vie. Morte lorsqu’Olivia avait trois ans, Marie a laissé plusieurs morceaux d’elle-même dans cette boite. En l’ouvrant, Olivia  laissera s’évader les secrets d’une vie jamais imaginée. Mais elle devra toutefois comprendre seule le message. Soutenue par son meilleur ami Florent, elle affrontera les éclairages successifs tout en doutant parfois de ses motivations.

Bibliographie de Natacha Astuto

Angelina (2017) – 3H/1F – 75 minutes
Arizona, English (US) version (2017) – 3F/4H – 75 minutes
Arizona (2017) – 3F/4H – 75 minutes
Issue de secours (2014) – 1H/1F – 75 minutes
Farewell, English (US) version – 1F – 10 minutes
Une Nuit (2014) – 2F – 75 minutes
The Last Train, English (US) version, (2014) – Scenario – 100 minutes
The Last Train, English (US) version (2013) – 2M/2W – 75 minutes
Le Dernier train (2012) – 2H/2F – 75 minutes
Le Menteur, de Carlo Goldoni, traduction et adaptation, (2011) – 7H/5F – 120 minutes
Dans une Autre vie (2009) – 2H/2F – 75 minutes
L’Appartement (2007) – 3H/4F/1E – 90 minutes
Big Boss (2006) – 2H/2F – 20 minutes
Un Hôpital pour Six Francs (2005) – 16H/18F – 90 minutes.

Sites

Site de l’auteure www.natachaastuto.ch
Site de la maison d’édition http://lesmandarines.free.fr
Illustrations: Cédric Laubscher www.nacl.ch
Autres interviews : https://www.auratheatreamateur.fr/category/interviews

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